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Des comédiens aux côtés des ergonomes...acteurs d'un projet
    




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Par Yves MEMETEAU,
yves.memeteau@artis-facta.com

et

Pascale SOULARD
pascale.soulard@artis-facta.com

ARTIS FACTA - Ingénierie des Facteurs Humains
51, rue de l'Amiral Mouchez - 75013 PARIS
Tél : +33 1 43 13 32 33 - Fax : +33 1 43 13 32 39 *

Paru dans les actes du XXXVème de la Société d'Ergonomie de Langue Française (SELF), Toulouse.



Résumé

L’introduction d’un titre de transport multimodal « sans contact » conduit à faire évoluer les métiers de vendeurs et de contrôleurs de la SNCF. L’impact de cette évolution prévisible a été évalué notamment à partir d’observations provoquées faisant appel à des comédiens professionnels jouant le rôle de clients. La contribution des comédiens a été bénéfique au projet, au delà même du réalisme des situations d’interaction reproduites et du contrôle qu’ils permettaient aux ergonomes d’avoir, également en temps réel, sur ces situations. Le recours aux comédiens peut être envisagé dans des situations de formation professionnelle où ils permettraient de situer les apprentissages à l’intérieur même de la situation de travail.

Dans le cadre de la mise en place d’un titre de transport multimodal (bus, train, etc…) « sans contact », la SNCF a lancé une étude destinée à en évaluer l’impact sur la clientèle sur l’évolution résultante des métiers de la vente, du contrôle, de l’accueil, de l'exploitation et de la maintenance. Parallèlement, une réflexion semblable a été conduite auprès des agents de la compagnie de bus, partenaire du projet.

L’arrivée prochaine de ce titre de transport doit s’accompagner d’un changement des équipements permettant la gestion de ce nouveau titre de transport (personnalisation du titre, chargement des titres de transport, outil de contrôle…).

Dans une première phase du projet, dite phase « laboratoire », afin de s’assurer de l’utilisabilité des nouveaux outils et de leur compatibilité avec l’activité des agents, des tests ont été réalisés dans le souci de placer les agents des différents métiers dans des situations recréées faisant intervenir ce que pourraient être les interactions avec les futurs utilisateurs.

 




La nécessité d’une méthode originale

Le choix de travailler en coopération avec des comédiens s’est fondé sur des arguments divers liés à l’état d’avancement du projet.

En phase laboratoire, le souhait était de simuler l’activité future probable des agents avec l’introduction des nouveaux concepts associés à la télébillettique et supportés par les nouveaux outils : maquette du module du Terminal Point de Vente (TPV) des vendeurs, Portable Informatisé de Contrôle.

Afin de créer des situations représentatives et de placer les agents en situation d’utilisation des futurs outils, il était demandé aux comédiens de jouer le rôle de clients, relais de demandes particulières, ce qui permettait de simuler les situations de travail tout en maîtrisant certains paramètres tels que : type de transaction, dysfonctionnement de carte sans contact, file d’attente…

En phase site. Préalablement, les agents de vente ont été formés à la billettique, certains postes de travail ont été équipés permettant le traitement des transactions billettiques et 550 clients expérimentateurs ont accepté d’utiliser la carte sans contact.

Cependant, il n’était pas envisageable d’effectuer des observations reposant sur la seule présence de l’ergonome à proximité de l’agent de vente. En effet, une grande partie des clients volontaires étaient des abonnés et se répartissaient sur plusieurs gares. En conséquence, le nombre de transactions billettiques par guichet était très réduit et la probabilité pour qu’un ergonome assiste, à l’occasion d’une observation, à une telle opération était très faible.

Pour limiter le risque d’un moindre recueil de données issues des observations et maîtriser certains paramètres de vente, il a été décidé de « provoquer des observations » en faisant appel à des comédiens professionnels.

Des observations provoquées

Des scénarios, proches de scénarios théâtraux, ont donc été élaborés et transmis aux comédiens qui ont pu les appréhender rapidement et ainsi construire, à partir de la demande à formuler au vendeur, un « véritable » client.

La coopération avec les comédiens avait pour objectif :

-       Pour la phase laboratoire, le déroulement de situations de vente très variées, intégrant également des cas de vente plus marginaux autorisant le test de l’utilisabilité des outils. Les modifications apportées aux outils sur cette base ont été intégrées antérieurement à la phase site ;

-       Pour la phase site, la mise en œuvre de situations représentatives des situations courantes permettant d’évaluer l’acceptabilité de la billettique du point de vue des vendeurs et des clients.

De façon générale, la méthode devait permettre :

-       de rendre compte d’une diversité de demandes « réalistes ». L’intérêt étant que le comédien, par son jeu, à la fois respecte une consigne précise (type de demande identifiée par les ergonomes) et puisse se permettre une improvisation réaliste conduisant à orienter l’interaction en fonction des questions ou des problèmes pressentis.

-       de garantir un niveau de réalisme permettant l’accès aux situations d’activité futures probables fiable ; les comédiens savent « jouer vrai » ;

-       de disposer d’un confort lié à la capacité d’intégration rapide des rôles (les aléas techniques nécessitant parfois des redéfinitions « au pied levé ») ;

-       une bonne reproductibilité des situations (puisque chaque scénario était joué avec environ une vingtaine de représentant des différents métiers) ;

-       de gagner en efficacité puisque les comédiens disposaient d’une aptitude aux changements de rôles (nous avons travaillé avec 5 comédiens, chacun jouant environ 5 rôles différents).

 



Quelques résultats

Nous présentons ci-dessous deux exemples de résultats issus de cette intervention et caractéristiques du travail réalisé avec les comédiens.

Résultat en lien avec l’évolution des métiers

Les observations provoquées ont mis en évidence une évolution de la relation vendeur-client liée à la dématérialisation du titre de transport (passage d’un titre papier à un titre supporté électroniquement). La dématérialisation du titre conduit à opacifier la transaction de vente. Le titre papier est actuellement un support de preuve et d’explication de la transaction réalisée. Cette vérification n’est plus possible avec le titre sans contact, rendant difficile pour le vendeur l’administration de cette preuve.

La méthode mise en œuvre a ainsi permis la mise en évidence de situations où le client (en l’occurrence le comédien) se retrouve porteur d’un titre autre que celui qu’il a demandé et payé. En provoquant les interactions et en contrôlant ainsi les paramètres de la vente, de telles situations ont pu être dépistées précocement, limitant ainsi les répercussions pour la SNCF. Avec d’authentiques clients, ce type de situation conduirait vraisemblablement à une confrontation ultérieure avec un contrôleur (ici aussi intervient la problématique de la preuve) qui à termes viendrait grossir les réclamations portées par la clientèle.

Résultat en lien avec la multimodalité

La multimodalité implique dans le cas présent une validation systématique en entrée (VSE) de la part des clients. Cette validation systématique est vécue comme une contrainte notamment pour les clients abonnés.

Les interactions vendeur/comédien-client produites par la méthode ont mis en évidence la difficulté pour les vendeurs et les contrôleurs d’intégrer le « message » permettant de justifier cette VSE (utilisation des données statistiques pour l’amélioration du confort des clients). La méthode mise en œuvre a permis d’anticiper les difficultés de réappropriation du message.

Elle a également permis de mettre en lumière les difficultés d’interprétation des cas de « fraude » où le contrôleur doit se prononcer sur son caractère intentionnel ou non avant d’avertir ou verbaliser le client.

 



Les limites et la valeur ajoutée de la méthode

Les limites de la méthode

L’organisation requise par l’intervention de comédiens dans un contexte d’observations provoquées, impose une rigueur importante. Cette rigueur ne constitue pas une limite spécifique au regard d’autres méthodes (ce qui reviendrait à dire que les autres méthodes d’observations pourraient s’en dispenser) mais son poids est majeur dans la réussite. Elle impose en effet un contrôle le plus précis possible des paramètres de l’expérimentation : informations à donner aux vendeurs et contrôleurs, disponibilité des vendeurs ou contrôleurs et prise de rendez-vous, forme et nature des informations à transmettre aux comédiens…

En d’autres termes, la tolérance aux aléas inhérents à une préparation incomplètement maîtrisée est limitée et se traduit par une sanction immédiate : échec partiel ou total de la passation. Un vendeur ne se présentant pas à l’horaire fixé, un comédien formulant sa demande de façon incomplète ou erronée, un dysfonctionnement du logiciel de vente sont autant de motifs remettant en cause la pertinence du recueil de données. Au delà, ils induisent un coût supplémentaire lié, à condition qu’elle soit réalisable, à la mise en place d’une nouvelle passation : rémunération des comédiens et de l’intervenant et le cas échéant à la location du matériel technique utilisé, temps consacré à mettre en place la nouvelle passation.

Une seconde limite identifiée est liée à l’effectif des comédiens. Cinq comédiens ont participé à l’expérimentation. La capacité d’un comédien à jouer des rôles distincts au cours d’une même passation est exploitable lorsqu’il s’agit de vendeurs : le poste de travail du vendeur est fixe et les comédiens sont mobiles ce qui permet de surcroît aux comédiens de recourir à des transformations d’apparence sans qu’elles soient visibles par le vendeur. Cette capacité trouve sa limite dans le cas d’un contrôleur se déplaçant à l’intérieur d’une voiture. Le réalisme imposerait alors aux comédiens de se déplacer d’une voiture à l’autre ; entraînant, à moins d’en grossir l’effectif, une migration des « clients » nettement perceptible par le contrôleur.

 

La valeur ajoutée

Non seulement les objectifs visés ont été atteints, mais ce travail de coopération avec des comédiens professionnels et des agents a permis d’apporter des éléments complémentaires dont a pu bénéficier le projet.

Ces atouts supplémentaires ont concerné :

 

·      Une implication forte des agents dans le processus de conception. Cette implication est essentiellement liée à la préparation de l’expérimentation (explication des objectifs, information quant aux modalités de réalisation…). Ajoutons que cette implication est d’autant plus forte qu’elle constituait pour eux une prise de risque, en situation professionnelle. En acceptant de s’exposer à des demandes de clients relevant d’un nouveau support et nécessitant l’emploi d’un nouvel outil, les agents ont marqué leur volonté de participer à la réussite de l’expérimentation. La contrepartie que les agents peuvent en attendre n’est pas à négliger par la maîtrise d’ouvrage ;

·      L’apport, par les comédiens, d’un œil neuf, à la fois dégagé des enjeux et représentatif de l’implication des futurs clients. Cette « innocence » des comédiens a permis également de travailler sur des notions de terminologie qui sont parfois laissées de côté lorsque l’on est impliqué dans un projet ;

·      L’intégration, par les comédiens, des objectifs du test permettant de tenir compte des divergences, refus, incompréhension, fausse route de la part des agents sans pour autant les mettre en difficulté professionnelle. Cette intégration était associée à une bonne maîtrise d’une panoplie « réaliste » et adaptative de jeu avec le recours à l’humour, à la colère, aux démonstrations d’impatience…

·      Une capacité des comédiens à la régulation en temps réel  et au développement d’un jeu collectif, par l’anticipation du comportement des autres comédiens, autorisant le rattrapage de situations pouvant dériver et permettant, malgré tout, d’atteindre l’objectif initial fixé par les ergonomes. Cette capacité s’est accompagnée d’une aptitude à apprendre et tenir compte d’indications données par les ergonomes telles que : le repérage de la situation de débordement de l’agent, sa régulation…

 

La clé de la réussite

La réussite de cette expérience repose sur l’équilibre à atteindre entre la compréhension des enjeux, l’appropriation des objectifs par les comédiens et la latitude à donner pour leur permettre de réguler et d’improviser en temps réel.

La réussite s’appuie, de plus, sur une implication qui ne peut pas être faible de la part des agents qui y prennent part. Il est de la responsabilité des ergonomes de parvenir à cet équilibre en préservant l’investissement des agents impliqués.

 



Des perspectives

Fondamentalement, la réussite de cette coopération est liée au fait que les comédiens jouaient le rôle de clients et non de professionnels. Il ne serait pas envisageable de demander à des comédiens de jouer le rôle de vendeur ou de contrôleur dans un contexte de tests.

Néanmoins, il est envisageable de faire appel à eux au cours d’une réunion ou d’un groupe de travail, le comédien (œuvrant incognito) pouvant intervenir afin d’orienter la réflexion sur des thèmes non spontanément développés par le groupe ou jouer un rôle particulier tel que « l’opposant systématique », « le réfractaire », celui qui ne comprend pas…

Dans ce cas bien évidemment, la déontologie imposera d’informer —au moins a posteriori— l’ensemble des participants à ces réunions de l’identité des comédiens.

L’intérêt de la méthode décrite permet d’envisager son recours dans un contexte de formation professionnelle de métiers en contact avec des clients. Elle permet d’exposer des professionnels en poste ou de futurs professionnels en situation de travail à une diversité de cas dont il est possible de maîtriser les paramètres (comme la fréquence d’occurrence, la contrainte temporelle…). Les comédiens sont « télécommandés » dans le contexte de travail où l’enjeu, pour le professionnel, prend toute sa dimension étant donné le niveau de réalisme atteint par l’interaction avec le client.

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